Dans le royaume d’Ombre, les femmes qui possèdent le don sont persécutées. Pour survivre et devenir magiciennes, il leur faut se réfugier dans la cité légendaire de Sav-Loar. Or Bleue se trouve très loin de là lorsque apparaissent ses pouvoirs : elle n’est qu’une jeune esclave entre les griffes d’un seigneur sadique desquelles nul ne s’est jamais évadé. Mais certains de ses compagnons de captivité vont risquer leur vie pour tenter de sauver Bleue, à commencer par Fèl, une beauté farouche qui ne rêve que de liberté. Leur fuite éperdue va précipiter le royaume dans une guerre impitoyable au cours de laquelle Bleue, dont la puissance s’affirme de jour en jour, pourrait bien changer le monde…
Court extrait :
- Avez-vous toujours été esclave ? reprit Guilhem.
- Oh, non. J’ai été marin. Puis soldat. L’ennemi m’a capturé lors d’une bataille il y a presque cinq ans.
- L’ennemi ?
- Vous savez que nous nous trouvons dans l’empire de Mélinor?
- Je l’ai appris à mes dépens…<
- J’étais un soldat du royaume d’Orna, qui borde la frontière sud de l’empire, au-delà du désert des Regrets. Ces deux pays se disputent des territoires, et mon bataillon s’est retrouvé encerclé par les soldats de l’empereur. Nous avons tous été vendus comme esclaves. Mon premier maître est mort la semaine passée.
Ils se turent.
- Vous dites que vous avez été marin ? reprit Guilhem, comme si le silence lui pesait. Était-ce aussi dans ce royaume d’Orna dont vous parliez ?
Oreb hésita.
- C’est loin, tout ça, dit-il finalement.
- Peut-être… Pour ma part, je donnerais tout ce que j’ai pour revoir ma terre natale !
- C’est-à-dire pas grand-chose, lâcha Fèl avec un rire amer.
- Tu ne voudrais pas rentrer si tu en avais l’occasion ? s’étonna Guilhem.
- Pour rien au monde.
Et elle s’allongea à son tour.
Le ton de la jeune femme était définitif. Bleue, elle, aurait aimé entendre parler plus longuement du royaume d’Ombre. Tant de fascinantes légendes couraient sur cette contrée…
Bleue remarqua que la fille aux cheveux emmêlés surveillait la conversation par l’étroite fente de ses paupières. Son apparence était étrange – proche de celle des habitants de la région, mais sa peau semblait plus sombre sous la crasse, et malgré sa taille fine, elle n’avait aucune poitrine et marchait comme un homme. Leurs regards se croisèrent. La fille la fixa jusqu’à ce que Bleue baisse les yeux, ce qui fut rapide. Elle dégageait une impression de danger. D’imprévisible. Tout ce que Bleue préférait fuir.
Peu à peu, la fatigue attira son corps frêle vers le tissu blanc et, bercée par les voix d’Oreb et de Guilhem, Bleue s’endormit. Comme chaque nuit, deux prunelles aussi noires que les siennes dansèrent dans son esprit à l’instant exact où elle basculait vers le monde des rêves.
Tu vas vivre, souffla une voix familière.
© Bragelonne 2016