Le présent volume termine la grande synthèse de Jean Wirth sur l'image médiévale, commencée en 1999 avec L'Image à l'époque romane, suivie en 2008 par L'Image à l'époque gothique. Il couvre l'évolution de l'image depuis la fin du XIIIe siècle jusqu'à l'iconoclasme de la Réforme. Le point de départ en est donné par la révolution giottesque de la construction picturale: un intérêt croissant pour la représentation des apparences sensibles débouche en effet, chez Giotto et ses contemporains, sur l'invention d'une perspective non mesurée qui se diffuse dans toute l'Europe occidentale et bouleverse les structures narratives, tandis que se met en place le portrait au sens moderne du mot, c'est-à-dire la représentation des traits physiques particuliers d'un personnage. Bien que les gains d'expressivité de l'image se traduisent par un "réalisme", au sens vulgaire du mot, ils visent à rendre le surnaturel palpable et sont mis au service d'une dévotion bigarrée, mêlant les apparitions au quotidien, l'exhibition des richesses aux prouesses d'ascétisme, le puritanisme à l'érotisation des saints. Le système iconographique pousse à l'extrême les polarités préexistantes. La Vierge, reine des cieux et symbole de l'Eglise, est devenue une quasi-déesse, éternellement jeune, et le Christ, sanglant et asexué, un étrange objet de désir et de compassion. Les images se diversifient en faisant une place croissante aux saints, protecteurs des communautés et des individus, tandis que l'iconographie des pouvoirs séculiers commence à prendre ses distances avec le symbolisme religieux. Mais l'illusionnisme croissant des images est devenu source de méfiance, l'extravagance et la vénalité de leur culte inquiétant toujours davantage. Face aux critiques, les peintres flamands et florentins du XVe siècle promeuvent un art sévère et digne, en harmonie avec une dévotion disciplinée. En Allemagne, où ces efforts n'ont pas abouti, les oeuvres d'art qui remplissent les églises sont perçues comme les idoles et le faire-valoir d'un clergé détesté, de sorte que leur destruction accompagne son abolition par la Réforme. Ce n'est pas la fin du règne des images, bien au contraire, mais, à partir de ce moment, l'image cesse d'être en soi un phénomène artistique et son étude relève de moins en moins de l'histoire de l'art.