Depuis " L'Art religieux du XIIe siècle en France " d'Émile Mâle (1922), aucun travail de synthèse n'avait été publié sur l'iconographie romane. L'ouvrage de Jean Wirth actualise le sujet tout en renouvelant les points de vue. En effet, au lieu d'appliquer mécaniquement au Moyen Âge notre conception et notre perception des images, Jean Wirth met à profit sa connaissance des textes pour étudier l'image romane de l'intérieur, à partir du système de représentation et des préoccupations de ceux qui l'ont conçue. En remontant jusqu'à l'époque carolingienne, il étudie d'abord la formation des codes iconographiques romans, des moyens dont les artistes se sont dotés pour représenter le spirituel pourtant considéré comme invisible. Il dégage ensuite les traits caractéristiques de la production du XIe siècle avant la réforme grégorienne, ce qui l'amène à corriger la datation de monuments importants. Dès lors apparaît clairement la rupture constituée par la réforme de l'Église qui impose une représentation terrifiante de la vie selon la chair et promeut l'ascétisme le plus extrême, tout en donnant une impulsion sans précédent au luxe artistique. Une nouvelle rupture intervient dans les années 1120, avec l'échec de la théocratie pontificale. On assiste alors à un assouplissement du style et à une réhabilitation de la figure humaine. Jean Wirth montre donc que le monde des images romanes, loin de se répéter inlassablement et de reposer sur un symbolisme intemporel, évolue avec une rapidité saisissante. Son ouvrage, fondé sur une démarche pluridisciplinaire qui prend en compte les exigences de l'histoire politique, de l'histoire de l'art, de la religion et des idées, devrait réorienter durablement le travail des spécialistes. De plus, il offre à un public plus large les informations nécessaires au déchiffrement des œuvres.