C’est loin, vu d’ici, la Corée
Il ne portait sur lui qu’un petit pantalon de toile
Des chaussons de caoutchouc vert et blanc
Un bracelet de plastique scellé où quelqu’un avait écrit son nom et l’adresse d’une famille dont il ne savait rien.
Il n’avait dans ses poches ni miettes ni cailloux,
Rien qui lui permette de retrouver son chemin.
Il disait : je porte un masque de Chinois sur un visage d’enfant blanc,
Vous ne voyez que le masque.
Il a pris son visage entre ses mains,
L’a déposé sur le papier, la toile et la terre
Et il est reparti.
Comme point de départ au texte, il y a un point de bascule, situé en 1997, lorsque Shin Do Mabardi meurt brutalement, dans un accident de voiture. Il laissait son travail de céramiste, ses dessins, une pile de carnets et, dans la mémoire de ceux qui l’ont connu, une impressionnante douceur et beaucoup de silence.
Veronika Mabardi se place à l’endroit de ce silence pour suivre les traces qu’il a laissées, comme on suit une piste. Elle délie les souvenirs d’enfance, dans le tourbillon des années 70, les éblouissements de l’adolescence au creux des années Tatcher, la connivence et le lien entre une sœur et un frère désorientés. Elle dresse la cartographie de cette rencontre improbable, au sein d’une famille métisse.
Elle remonte le chemin vers la fratrie, les jeux, les solidarités de l’enfance. Les liens indéfectibles avec les amis. Les premiers choix et les premiers doutes. Les parents, leurs valeurs, leurs combats. Les assignations d’identité, les dénis, les injonctions à saisir sa chance, à se comporter normalement. Et le chaos qui s’installe dans la vie de ce frère qui a ébranlé ses certitudes. Qu’est-ce qui n’a pas été dit, pas même pensé ?
Au moment de la mort, le frère et la sœur avaient pour projet un livre : un conte qui montrait un enfant tapi dans l’ombre d’un monde secret. Les prémisses d’une histoire qui pourrait jeter les bases de celle-ci, l’histoire d’un enfant qui grandit dans un monde qui lui échappe.
Sauvage est celui qui se sauve est certainement le livre le plus intime de Veronika Mabardi. Après Les Cerfs et Peau de louve, elle nous offre une plongée dans son histoire familiale, dans l’intimité d’une fratrie plurielle.