Après avoir érigé un inoubliable tombeau littéraire à l’homme de sa vie (L'Année de la pensée magique), Joan Didion adresse, dans Le Bleu de la nuit, un vibrant hommage funèbre à leur fille, décédée quelques semaines à peine avant la parution de la Pensée magique aux Etats-Unis. Mais qu’on ne se méprenne pas : loin d’être une « suite » de la Pensée magique, ce récit serait plutôt son image en miroir, une variation inversée. On y retrouve, intactes, la puissance et la singularité de l’écriture de Didion : sèche, précise, lumineuse face à la nuit. Dans un puzzle de réminiscences et de réflexions (sur la mort, bien sûr, mais aussi sur les mystères de la maternité, de l’enfance, de la maladie, de la vieillesse, de la création…), l’auteur mène un combat acharné contre les fantômes de la mélancolie, des doutes et des regrets. Poignante sans jamais verser dans le pathétique, d’une impitoyable honnêteté envers elle-même sans jamais céder aux sirènes de la complaisance ou de l’impudeur, elle affirme une fois de plus, au crépuscule de son existence, sa foi dans les forces de l’esprit et de la littérature.