Arthur Schopenhauer (1788–1860), philosophe allemand nommé « le pessimiste de Francfort », héritier de Kant, s'inspirant de la sagesse hindouiste et bouddhiste, a imprimé une marque durable sur la philosophie en faisant du vouloir inconscient « la moelle substantielle de l'univers » et l'élément déterminant en l'homme.
Inventeur de la démarche généalogique, il interprète toutes les manifestations humaines (comportement, texte, discours, etc.) à la lumière d'un sens latent qu'on peut découvrir sous le sens manifeste en remontant au type de volonté qui s'exprime dans chaque manifestation. Nietzsche, Marx et Freud se souviendront de la leçon et s'attacheront à détecter les aspirations profondes qui se travestissent dans les attitudes et déclarations assumées par les individus ou les groupes sociaux. A ce titre, on peut dire que Schopenhauer préfigure « les penseurs du soupçon ».
Christophe Bouriau expose ici cette philosophie du sens en partant de son fondement métaphysique, le « vouloir-vivre », pour développer ensuite la portée existentielle de cette intuition initiale. Le vouloir est en effet à la source du mal, c’est-à-dire de la souffrance (le mal subi) et de l’injustice (le mal commis). A l'encontre de ce que soutient Nietzsche, Schopenhauer n'entend pas « nous disposer à la résignation » face au mal. Il nous propose plutôt trois voies pour le contrer : l’expérience esthétique, la morale de la compassion et l’ascèse. L’ouvrage se clôt sur la postérité de cette pensée atypique et en particulier de son concept d'« inconscient ».