Fils de duc et pair, filleul de Louis XIV et de la reine, le jeune Louis de Saint-Simon entre très vite dans la carrière militaire habituelle aux aristocrates, mais quitte l’armée dès 1702. Il a vingt-sept ans : son champ de bataille sera désormais la cour, son spectacle et ses coulisses. Durant la Régence, il participera au pouvoir comme ministre d’Etat, puis deviendra ambassadeur, avant de se retirer sur ses terres. Il se consacre alors pleinement à l’œuvre de sa vie : ses Mémoires, dont il a commencé très jeune la rédaction. Si, dès 1699, il s’est adressé à l’abbé de Rancé pour avoir son assentiment, c’est qu’il se fixe pour tâche d’y livrer toute la vérité et, partant, de n’y ménager personne, tout en voulant demeurer en paix avec sa conscience.
Ce vaste chantier très tôt ouvert, ce n’est qu’à soixante-quatre ans qu’il en entreprend l’ultime version que nous connaissons et qui ne sera intégralement publiée que bien après sa mort, vers 1830. Dans ces innombrables pages dont le présent volume ne retient qu’environ le sixième, le duc démontre, raconte, fulmine, pour servir à l’histoire du règne de Louis XIV et de la Régence, mais aussi pour épancher sa colère face au devenir médiocre du monde. Et il le fait dans une langue d’une virtuosité admirable qui joue sur tous les registres, ici enjouée, là grandiose, et riche de singulières fulgurances. « Il n’y a que trois styles, diront les Goncourt : la Bible, les Latins et Saint-Simon. »
Edition de François Raviez.