On voit dans le Journal d'une crise un des pianistes les plus significatifs de l'histoire dans son atelier de torture, en proie au doute, mais surtout à la recherche effrénée d'une vérité qui semble momentanément lui échapper, et qui concerne l'essence même de son art. Il nous livre le récit émouvant, impitoyablement lucide, quasi proustien dans sa cruauté, de la conquête de son propre double : un Gould fragile et vulnérable qu'il essaie d'apprivoiser et dont la lumineuse perfection de ce qu'il nous a laissé ne nous permettait guère de deviner l'existence. Il s'agissait bien là d'un document capital sur un artiste lui-même capital. Jamais le cerveau d'aucun grand pianiste ne s'était attelé à un examen aussi obsessionnel des composantes physiques du jeu pianistique.
Le Journal est complété par un vaste éventail de lettres datant de l'époque de la vie publique de Gould, ayant pour thèmes principaux le piano, les concerts et les tribulations d'une vie de concertiste. Gould y apparaît souvent malheureux, et pourtant aussi plein de l'enthousiasme communicateur qui est la marque de ce conteur-né.
Violoniste et auteur de films musicaux, Bruno Monsaingeon a également traduit et présenté les textes de Glenn Gould réunis dans Non, je ne suis pas du tout un excentrique, Le Dernier Puritain et Contrepoint à la ligne (Fayard).