Il y a des artistes (peintres, musiciens, poètes…) qui, sur leurs vieux jours, à soixante-dix, quatre-vingts, quatre vingt-dix ans, semblent entamer une nouvelle forme de l’art dont on croyait qu’ils étaient les maîtres. Que se passe-t-il ? Une nouvelle jeunesse ? La liberté enfin, quand on n’a plus de comptes à rendre ? Ou bien au contraire la mort entrevue, l’angoisse ? Ou la foi, l’espérance ? Ou la conscience de soi, la volonté de laisser sa trace ? Lorsqu’on se trouve devant les dernières œuvres du très vieux Titien, si angoissantes et d’une pâte si épaisse, comment faire le lien avec ce qu’on a tant aimé de lui quand il était jeune et qu’avec tant de délicatesse il nous faisait contempler la Vénus d’Urbino ? Que se passe-t-il dans l’esprit d’un peintre dont on pourrait se dire qu’il vieillit, et sous sa main dont on pourrait croire qu’elle tremble, alors qu’il semble murmurer : j’ai encore quelque chose à dire…
Philippe Beaussant, romancier, spécialiste de l’esthétique baroque, est l’auteur de nombreuxessais, et récemmentdu Chant d’Orphée selon Monteverdi et de Passages, de la Renaissance au baroque.