Ce discours, œuvre du genre épidictique, qui montre que Libanios se conforme aux règles et aux usages de la rhétorique, constitue surtout à nos yeux un document important pour l'histoire d'Antioche et plus généralement pour l'histoire de la cité et de la ville dans l’Antiquité classique et tardive.
Ce discours est d’abord, conformément à la tradition, une euphèmia (discours d’éloge) consacré à la patrie de l’orateur, prononcé par un Libanios à son meilleur niveau et ensuite remanié pour la diffusion écrite. Si l’éloge des Jeux Olympiques occupe à la fin peu d’espace (paragraphes 268-269), ce qui est singulier, l’ensemble du discours est consacré à l’éloge très étendu de la cité, plus précisément de son passé puis de son présent ; éloge préalable du territoire (relief, nature du sol, productions agricoles), de l’orient (alors que l’éloge traditionnel avait plutôt les cités de Grèce pour thème), après quoi Libanios narre la fondation de la cité (Les origines grecques d’Antioche sont d’après Libanios bien antérieures à sa fondation par Séleucos et remontent aux temps héroïques, avec plusieurs implantations de populations grecques de diverse provenance).
La présentation des temps historiques commence par une évocation de la période perse, durant laquelle, d’après Libanios, la reine Méroé restaure et dote richement un sanctuaire d’Artémis construit par Sémiramis, et son époux Cambyse consacre un temple à Apollon (§ 59-71). La fondation proprement dite de la ville, cependant, est due à Séleucos, ou plus précisément à Alexandre, suivi de Séleucos. Le récit de cette fondation, en effet, se démultiplie (§ 79-99). Trois séquences se succèdent : projet d’implantation urbaine sur le site d’Antioche par Alexandre, fondation d’Antioche par Séleucos Ier, puis fondation du sanctuaire suburbain de Daphné par le même Séleucos. Le choix initial du site de la future Antioche est dû à Alexandre, qui se contente cependant d’y ériger un autel à Zeus Bottien et d’y construire une citadelle (§ 72-77). La fondation réelle est l’œuvre de Séleucos. Après une courte biographie de celui-ci, Libanios montre que la fondation d’Antioche est placée sous le patronage de Zeus, tandis que la fondation ensuite de Daphné est placée sous le patronage d’Apollon : ce sont les deux dieux tutélaires d’Antioche, fondateurs mythiques de la dynastie des Séleucides.
Libanios s’intéresse ensuite à la période hellénistique, de façon assez détaillée, sans que la domination romaine soit longuement évoquée. Et il en vient à la deuxième partie (paragraphes 131-268), au présent. elle s’articule en deux sections, consacrées à la cité en tant qu’entité politique et humaine (§ 132-192), la deuxième au cadre concret de la vie urbaine et à une description physique de la ville et de ses faubourgs. Une longue comparaison entre Antioche et Athènes valorise la première et en fait l’Athènes de l’Asie. La description physique de la cité s’organise en trois grandes parties, consacrées tout d’abord au paysage urbain de la ville d’Antioche (§ 196-229), puis à ses faubourgs (§ 230-243), enfin aux plaisirs de la vie urbaine (§ 244-268).
Ce discours est un des textes les plus riches de la seconde sophistique et est resté fameux jusqu’à nos jours. Traditionnel et singulier par divers aspects, ce texte est aussi un document extraordinaire sur la vie d’une cité grecque dans l’Antiquité tardive.
La présente édition réunit trois chercheurs : Odile Lagacherie, maître de conférences à l’Université Stendhal (Grenoble III), a soutenu, sous la direction du professeur Jean Martin (éditeur de Libanios et maître, avec Paul Petit, des études sur Libanios), une thèse sur l’Antiochicos (édition critique, traduction, notes). Cette thèse a été à la base du volume actuel. Michel Casevitz, philologue, professeur émérite (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), s’est chargé de mettre au point l’établissement du texte et la traduction, cependant que Catherine Saliou, historienne, professeur à l’université Paris VIII, Directeur d’Études à l’EPHE, a rédigé les notes complémentaires, en fait un véritable commentaire.