Célébrée au même titre qu'Ibsen dans la France littéraire de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, l'œuvre de Bjørnstjerne Bjørnson (1832-1910) prix Nobel 1903 comporte d'authentiques chefs-d’œuvre, notamment les deux pièces intitulées Au-delà des forces (I et II).
Romantique champion de la « norvégianité » à ses débuts, l’effervescent Bjørnson s’est ensuite mué en contempteur d’une société figée dans les conventions et les préjugés. Et c’est ainsi qu’après s’en être pris au monde de la presse, à l’affairisme ou à l’institution monarchique, il aborde la question religieuse dans Au-delà des forces I (1883), un drame qui témoigne d’un sens très sûr de la progression dramatique. Son héros est le pasteur Adolf Sang, un homme de charité et d’abnégation dont les efforts pour guérir sa femme par le pouvoir miraculeux de la prière n’auront d’autre résultat que de provoquer la mort des conjoints. Drame contemporain tout à fait réaliste, l’œuvre baigne en même temps dans une atmosphère de mysticisme et d’irréalité qui s’accorde parfaitement avec le cadre envoûtant de la Norvège septentrionale. Dans Au-delà des forces II (1895), le milieu est tout autre et la problématique entièrement différente. Néanmoins, dans les deux cas, l’auteur combat la croyance illusoire en quelque chose d’irréalisable. En la circonstance, s’inquiétant des effets dévastateurs de la lutte des classes dans une Norvège récemment industrialisée, il dénonce à la fois l’oppression économique et l’emploi de la violence révolutionnaire, toute forme d’extrémisme qui, étant « au-delà des forces », se révèle vaine. Prônant le rapprochement des classes sociales, il demande à celles-ci d’œuvrer conjointement pour rétablir la solidarité de l’avenir.