Biographie fantaisiste d'un auteur semi-légendaire, la Vie d’Ésope raconte l’étonnante ascension d’un misérable esclave, que son intelligence rusée et le soutien des dieux hissent peu à peu au niveau des grands de ce monde, mais qui, tel un héros de tragédie, périt, victime de son hybris, d’une fin de bouc émissaire.
Assemblage composite d’éléments dont les plus anciens remontent à l’époque classique, l’œuvre a pris sa forme actuelle au début de notre ère, au moment même où s’épanouit le roman grec. Mais elle a pour héros un personnage qui, par son incroyable laideur et ses origines serviles, est aux antipodes des séduisants et aristocratiques jeunes premiers du roman grec, et fait figure de « marginal » culturel, protagoniste hors norme d’une œuvre volontiers subversive où figures d’autorités et représentants de la haute culture sont assez durement mis à mal. Comme bien d’autres textes populaires, que ne protégeait pas le respect des copistes, la Vie d’Ésope a fait l’objet d’adaptations successives au fil des siècles : c’est la version la plus ancienne, celle du manuscrit de Grottaferrata (G), qui est traduite ici en français pour la première fois – accompagnée d’extraits des rédactions ultérieures grâce auxquels le lecteur pourra apprécier comment la légende d’Ésope a été progressivement assagie par les remanieurs.
Spécialiste de la littérature grecque d’époque byzantine, Corinne Jouanno, docteur ès lettres, est professeur de grec ancien à l’Université de Caen.