En 1867, le jeune Verlaine s’octroie un dérivatif frivole : composer une plaquette, Les Amies, qui contient six sonnets consacrés aux amours saphiques et paraîtra clandestinement. Ces quelques pièces, il est tentant de les opposer aux Fêtes galantes, parues quinze mois plus tard ; mais ce serait oublier combien, dans ce recueil qui emprunte son cadre à un xviiie siècle de parodie, couve aussi le désir charnel. Un recueil passéiste ? Un livre bien plutôt où le tour de force du poète est d’évoquer avec justesse les malaises de la jeunesse à la fin du Second Empire, dans un décor d’insouciante et paradoxale légèreté.
«Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur», dit un vers des Fêtes galantes. Mais Verlaine croit au sien lorsqu’il adresse jour après jour à sa future épouse les vingt et une pièces de La Bonne Chanson. Ingénus et sincères, ces poèmes d’amour chaste tranchent sans doute sur le reste de l’œuvre, mais le même savoir-faire s’y retrouve : celui, disait Banville, d’un «artiste toujours aussi savant mais devenu heureux».
Edition présentée et annotée par Olivier Bivort.