À ceux qui ont pratiqué les autres écrits de Sénèque les Lettres à Lucilius n'offriront guère autre chose, pour le fond, que les traités sur la consolation, la brièveté de la vie, la colère, la clémence, la fermeté du sage, la tranquillité de l'âme, les bienfaits. Mais comme elles sont une conversation, poursuivie au jour le jour, avec un ami, elles ont souvent quelque chose de plus intime, bien que l’auteur s’adresse plus d’une fois, par-delà l’ami, au public et à la postérité. Comme elles furent écrites vers la fin de sa vie par un homme qui avait connu de bonne heure les succès mondains, les succès littéraires et les honneurs, puis l’exil, – ensuite les honneurs encore, la cour, l’opulence, le pouvoir, enfin la disgrâce et qu’elles allaient à un fonctionnaire distingué qui, lui-même, avait déjà une grande expérience des hommes et demeurait en contact avec eux, elles fourmillent d’observations morales et d’enseignements qui n’ont pas vieilli, en particulier sur la vraie manière d’envisager les vexations subies, la retraite, la pauvreté, la maladie, la mort. Comme d’ailleurs elles furent lues et méditées par les païens du temps de Quintilien, de Juvénal et de Tacite, qui en aimaient le style sentencieux et même les pointes, par les chrétiens qu’elles édifiaient et charmaient, puis par les nobles esprits du Moyen Âge, par les humanistes de la Renaissance, puis par ceux du grand siècle et du XVIIIe, elles arrivent à nous du fond de la nuit des temps imprégnées de ferveur spirituelle, et l’intérêt qu’elles présentent pour nous n’en est que plus certain.
124 lettres nous sont parvenues, mais il y en eut davantage. Nous donnons à la fin de notre dernier volume les fragments qu’Aulu-Gelle nous a conservés.