Les thèses Sur le concept d’histoire sont le dernier texte auquel a travaillé Walter Benjamin avant sa disparition prématurée en septembre 1940. Bien qu’il n’ait pas été publié du vivant de son auteur — et tout indique que Benjamin était loin de le considérer comme achevé —, ce texte est aujourd’hui communément considéré comme son « testament », à tout le moins comme la quintessence d’une pensée de l’histoire que Benjamin a mûrie pendant plus de deux décennies.
L’édition établie par Gérard Raulet renouvelle profondément la façon dont le texte est présenté au lecteur : à la différence de toutes les publications antérieures, cette nouvelle édition ne donne pas une seule et unique version de référence de Sur le concept d’histoire. Elle présente au contraire, outre le tapuscrit ayant servi de base à la version parue en 1942 et la version française établie par Benjamin lui-même, quatre versions supplémentaires publiées chacune dans son intégralité, à commencer par le manuscrit offert à Hannah Arendt par Benjamin lui-même, ainsi que son « Exemplaire de travail ».
Les variations entre ces différentes versions permettent de suivre pas à pas les différentes phases de la rédaction, les hésitations de l’auteur, ou à l’inverse l’affermissement de sa réflexion. Sur le concept d’histoire est ainsi rendu à son statut de work in progress, sans pour autant rien perdre de sa force. Au contraire, la publication sur le même plan des différentes versions invite à multiplier les lectures, et cette nouvelle édition donnera certainement matière à de nouvelles interprétations.
Aux différentes versions des Thèses l’édition ajoute les fragments et brouillons préparatoires, dont certains sont publiés pour la première fois. Gérard Raulet retrace dans le détail la genèse et le destin de ces différents textes, au cours de leur rédaction et au fil de leurs publications successives. L’édition fournit enfin un ensemble très riche de « Documents » qui éclairent les tensions suscitées par ce texte qui n’a cessé de diviser et d’opposer les amis de Benjamin, qu’il s’agisse d’Adorno et Horkheimer, de Scholem ou encore de Hannah Arendt.