L'histoire des sciences sociales françaises a surtout retenu les réa- lisations des intellectuels les mieux positionnés dans l'institution académique, laissant dans l'ombre les formes dominées de savoirs et, en premier lieu, ceux proposés par les femmes. Pourtant, celles-ci ont cherché sans relâche à s'intégrer aux groupes et aux périodiques de sciences sociales, de sociologie et d'anthropologie.
Hélène Charron retrace ici la généalogie des présences féminines dans les principaux sous-espaces du champ des sciences sociales françaises de 1890 à 1940. Accédant d'abord aux sciences sociales par le champ de la réforme sociale, les réseaux leplaysiens, le catholicisme social, les femmes et leurs travaux ne suscitent pas de controverses : les enjeux pratiques priment sur ceux de la connaissance. À l'inverse, les figures de la transgression, comme Clémence Royer, Céline Renooz, Jane Misme ou Madeleine Pelletier, provoquent des réactions négatives qui renvoient leurs analyses vers le champ politique.
À mesure que les femmes accèdent aux diplômes universitaires, les formes de marginalisation par le genre s'adaptent et évoluent. L'opposition entre féminité et compétences intellectuelles se redéploie tout en maintenant l'illusion que seuls le mérite individuel et la valeur intrinsèque des idées régissent la reconnaissance.
Un livre essentiel où ceux qui s'intéressent aux sciences sociales et aux études de genre vont trouver matière à réflexion sur la genèse de la distribution et de la consécration inégales entre hommes et femmes dans l'espace académique.