La conscience morale a-t-elle une histoire ? Ne suppose-t-on pas plutôt qu'elle est une donnée anthropologique universelle et invariable ? En fait, la conscience morale fait l'objet d'une éducation dans toute société et elle se transforme donc avec les discours qui prétendent la former. À l'époque moderne, cette histoire commence avec la Réforme aux XVème et XVIème siècles et le thème de la colère de Dieu qui secoue les consciences. Mais le XVIIIème siècle révolutionne cette atmosphère en proposant une cosmologie où Dieu lui-même est soumis aux lois du monde. Le bon citoyen n'est-il pas celui qui ne doit craindre ni la colère de Dieu ni l'enfer ? En fait l'homme ne se conduit pas comme un être naturel soumis à des lois immuables. Il faut trouver de nouvelles règles. Théologiens et philosophes des XVIIème et XVIIIème siècles relativisent alors la conscience religieuse au profit de nouveaux modèles. Avec Kant, l'impératif catégorique de la conscience morale ne situe plus l'homme face à Dieu, mais dans la réflexion interne de la conscience. Ailleurs, dans la société civile, c'est un contrôle des émotions et des pulsions qui fait l'objet d'une attention nouvelle. Mais la psychanalyse bouscule cet édifice et relance la " modernisation " de la conscience morale moderne. Passer de la justification devant Dieu à la responsabilité devant l'histoire et la société ne va pas sans de nouveaux défis qui montrent plus que jamais que la conscience est une structure historique ouverte.