L'esprit européen est né de deux puissances : l'Antiquité et le christianisme. Et Augustin en a été le " génie " de vie et de mort. En lui se conjuguent deux motifs fondamentaux de l'Antiquité (Parménide–Platon) et l'élan inquiet qui porte du contingent vers l'immuable (Héraclite–Aristote) et vers la " beauté de la contrariété du monde " reprise dans l'unité supérieure de la pensée. Mais Augustin élève ces deux motifs fondamentaux à la sur-nature du christianisme, avec Jean, l'évangéliste au vol d'aigle, contemplant le " logos " de Dieu auprès de Dieu, et Paul, feu ardent au milieu du flux des choses. Augustin est aussi le génie de la caducité de l'esprit européen. Sa vie personnelle est marquée par l'effondrement de la première grande période de l'Europe : le monde gréco-romain. La " Civitas Dei " est son oraison funèbre pour la Rome déchue. La survie historique d'Augustin en Thomas d'Aquin et en Duns Scot est assurée en un temps où déjà l'on assiste à la lente érosion de la seconde période de l'Europe : celle du Saint Empire romain germanique. La ressuscitation d'Augustin à l'époque moderne de Descartes (vers Hegel) et de Baader (vers Kierkegaard) s'achève dans les séismes de notre temps où prend fin la troisième (et dernière ?) européité : l'Europe de l'" humanité ".