On ne peut prétendre vraiment connaître la pensée de Kierkegaard sans apprendre à lire son œuvre en sa totalité organique, avec ses amorces et ses prolongements dans les " Papiers " de l'auteur. On ne peut comprendre la position de cette œuvre, annoncée dès 1840 comme devant être tout à la fois " ironique et polémique ", sans savoir précisément ce à quoi elle s'oppose. On ne peut saisir le sens de cette opposition si on ne découvre ce qui en constitue le " point archimédique ". Pour avoir compris cette triple exigence, l'auteur de cet essai fait découvrir dans le monde intellectuel danois du XIXe siècle, qu'il ressuscite, un monde si proche du nôtre qu'on s'en reconnaît presque contemporain, jusqu'à souhaiter apprendre de Kierkegaard le secret d'une exemplaire résistance à la malhonnêteté et à l'irresponsabilité des " brigands semi-cultivés " qui font de notre époque, comme de la sienne, une " époque de désagrégation " et de notre société, plus encore que de la sienne, une société du " nivellement ". Mais il avertit aussi bien que ce n'est pas en cherchant à tout savoir sur Kierkegaard qu'on apprendra quoi que ce soit de Kierkegaard. À lire avec lui Kierkegaard, on apprendra de Kierkegaard lui-même à se réjouir " de ce qu'il reste dans l'ombre et d'avoir affaire à l'œuvre seule sans être gêné ou distrait par la personnalité de l'auteur ". Car on découvrira qu'au centre de l'œuvre et lui conférant son caractère subversif, il est un tout autre principe d'unité que la personnalité singulière d'un auteur qui se fait, pour cela, atopique : un concept, le concept, concept de christianité.