Le jésuite Gaston Fessard est mort en 1978 ; il n'a donc pas connu les nouveaux phénomènes de mondialisation qui interrogent le monde depuis la chute du mur de Berlin de 1989. Mais par sa personnalité, sa formation ignatienne, son premier livre en 1936 " Pax Nostra " (voir le tome II du présent ouvrage paraissant en même temps aux Éditions du Cerf) et par les interpellations sociopolitiques qui en résultèrent, qu'il adressa à ses contemporains, Gaston Fessard est de ceux qui ont œuvré pour un humanisme ignatien. Cet humanisme n'est-il pas en mesure de rencontrer ce qu'a de fondamental toute existence humaine ? Les fractures Est-Ouest entre Soviétiques et hommes de la City, les divorces entre structuralistes et individualistes, les abîmes entre sous-prolétaires et nantis, ne l'ont pas laissé insensible. Mieux, il a été de ceux qui ont su, ou savent encore, apprendre leur vie durant à se hisser vers l'universel, mais sans s'embourber dans l'idéologique. La liberté de l'homme ou de la femme debout, tout comme la dignité de l'homme ou de la femme qui souffrent ne sont pas éphémères, ni illusoires : il n'empêche que ces conditions ont tout à gagner en cultivant la tâche personnelle et sociale de discernement d'une part, et d'autre part en honorant les libertés créatives de la personne humaine et celles en principe de chaque contexte socio-culturel. À quatre siècles de distance, saint Ignace de Loyola reste pour Gaston Fessard un inspirateur susceptible de conduire la quête d'humanisme sans piéger l'éthique ni la spiritualité ; une quête déjà si impérieuse du temps d'Ignace ! Mais quel humanisme pour quel universel ? Et quel universel pour quel humanisme ? Gaston Fessard a éprouvé cet universel qui porte et transcende valeurs, projets et perspectives, afin que I'Homme puisse créer ! Michèle Aumont, avec sa culture de la socialité et avec son intuition féminine, a osé parler d'un humanisme ignatio-fessardien : l'intériorité qui s'affirme avec Ignace, ne répond-elle pas en quelque sorte à la critique moderne, en justifiant l'obéissance chrétienne à l'égard de Dieu, comme étant une légitime et libre demande d'amour de la part de celui ou de celle qui avouent ne pas savoir aimer de l'amour divin qui a pourtant été semé dans le cœur de chacun et de chacune ? Or, Gaston Fessard n'apporte-il pas à l'intériorité humaine un changement social d'échelle ? Vivre un changement désormais indéfini.