Longtemps la théologie, protestante ou catholique, a joui d'un monopole intellectuel dès lors qu'il s'agissait d'interpréter le christianisme. Les Lumières voient l'émergence d'une approche scientifique du christianisme se situant expressément à l'extérieur de la théologie. La seconde moitié du XIXème siècle est marquée par les succès des approches historiques des religions. Les Lumières avaient fait valoir l'instance critique de la raison face aux phénomènes religieux, les sciences humaines mettent en cause les synthèses par lesquelles la théologie protestante avait réagi à la critique des Lumières. À l'encontre de toutes les tentatives pour endiguer la critique historique, Troeltsch propose dans les huit essais réunis dans le présent volume un programme théologique qui reconnaît d'entrée la radicalité des bouleversements en cours et récuse toute tentative pour faire valoir un domaine théologique réservé. En désenclavant méthodologiquement la théologie, Troeltsch oblige à redéfinir l'objet et le statut de la théologie. Il transpose le discours théologique dans le champ des sciences de la culture, faisant valoir que, dès les premiers siècles, la théologie a toujours repris à son compte les paradigmes scientifiques de son environnement culturel. Le déplacement épistémologique proposé par Troeltsch pourrait donc bien être la condition indispensable à un retour de la théologie dans le concert des sciences humaines.