" La Théorie kantienne de l'expérience ", publiée pour la première fois en 1871, est le premier livre de Hermann Cohen. L'auteur ne cessera d'approfondir ses analyses, puisqu'il fait paraître une troisième édition – celle traduite ici – l'année de sa mort, en 1918. Il s'agit de l'acte de naissance du néokantisme de l'école de Marbourg, fondé par Cohen et auquel appartiennent aussi Ernst Cassirer et Paul Natorp. Ce commentaire de la " Critique de la raison pure " a profondément bouleversé les études kantiennes à la fin du XIXème. Cohen s'y oppose à la lecture traditionnelle de la " Critique ", qui réduit l' " a priori " kantien à l'inné en l'assimilant à des cadres subjectifs au travers desquels le sujet connaissant appréhenderait le monde extérieur. Cohen introduit une exigence philologique qui manquait jusque-là aux interprétations de la " Critique ", en suivant de près le texte de Kant et en s'attachant à donner un sens à toutes les ambiguïtés du discours kantien (d'où l'attention aux moindres différences dans les formulations entre la première édition de la " Critique " et la deuxième). L'hypothèse de lecture qu'il propose permet d'instaurer une interprétation radicalement novatrice qui non seulement est confirmée dans sa mise à l'épreuve à l'aune du texte kantien, mais possède une force conceptuelle incontestable, c'est-à-dire un intérêt et une fécondité pour nous permettre de poser, aujourd'hui, le problème de la connaissance. Ce n'est pas seulement la compréhension de Kant qui est en jeu dans ce livre que Cohen n'a cessé de revoir toute sa vie, mais le dépassement de Kant au moyen de la méthode rigoureuse qu'il a su mettre en place – dépassement que, pour sa part, Cohen a effectué en écrivant son propre " système de philosophie ", dans lequel la " Logique de la connaissance pure " achève ce que la " Critique de la raison pure " avait initié.