Est-il possible d'enchaîner le mouvement de l'expérience à l'action qui vise son partage, abstraction faite de sa vérité ? Suffit-il de rechercher l'accord pragmatique des croyances, des intentions et des désirs, que scelle le consensus, pour nous mettre en harmonie avec le monde et avec la vie ? Il est permis d'en douter, car cet accord se révèle impuissant à nous faire accéder à l'expérience de sa propre réalité. Autrement dit, la " raison pragmatique " s'invalide inéluctablement elle-même lorsqu'elle tente de se valider. Le fait est que le langage doit sa puissance critique à une sorte de conscience d'écoute qui engendre perceptions et pensées, désirs et actions à l'aide de propositions. Le déni pragmatique du vrai ne saurait empêcher qu'un jugement advienne en toute parole ; il ne peut qu'en neutraliser la prise de conscience. Le retour au jugement de vérité qui est proposé ici entend libérer l'esprit de son enchaînement autistique à un consensus aveugle. On ne guérit de cette possession pragmatique qu'en se pliant à la loi de vérité qui règle l'usage du langage. En effet, la raison critique inhérente à cet usage s'accorde toujours déjà à l'amour de la sagesse : elle se relève ainsi proprement philosophique.