Prenons la philosophie de front. Non pour dresser le répertoire des thèses qui se réclament d'elle, ni pour faire le bilan des assurances qu'elle est censée apporter, mais pour examiner quels engagements elle nous convie à prendre. Trois types de résolutions s'enchaînent. En premier lieu, " les pouvoirs de la connaissance " trouvent dans la figure admirable de la vérité des choses un ascendant considérable : c'est la science, qui travaille à concevoir le meilleur des ordres possibles. Hélas, le monde ordinaire se plie mal aux raides catégories du vrai. Pour leur échapper, on s'est mis à cautionner " l'autorité de l'histoire ", accordée aux variations du temps. Il arrive pourtant que l'histoire nous emporte où nous redoutons d'aller. Rebelle, la raison philosophique préconise " la mise en œuvre " du monde, poétique peut-être, littéraire souvent, problématique toujours. Elle réclame justice. Faire la philosophie témoigne de l'activité par laquelle nous ne pouvons nous retenir de créer du sens à l'imitation du premier poète venu. Une extrême exigence est requise au moment de légitimer l'entreprise. S'engager ne va pas de soi, d'autant plus que l'époque ne veut plus des vieilles coutumes culturelles et tue les modèles de réflexion qui l'ont déçue. Elle se lasse d'une métaphysique demandant que les valeurs supérieures gouvernent les mœurs. Les questions requièrent un langage neuf. Arrive un moment où le philosophe doit dépasser les convenances trop commodes et ne pas consentir, par son silence, à l'inacceptable. Il n'y a pas trente-six questions, mais une : " pourquoi faire la philosophie plutôt que rien ? "