Explorer l'Allemagne, c'est explorer quelque chose qui était là avant d'exister : un emplacement sur la carte de l'Europe, une tache dans son histoire, au mieux une " culture ", comme on dit quand on ne sait comment nommer les choses. C'est aussi se confronter à des constructions intellectuelles grandioses qui ont eu pour auteurs, entre autres Kant, Fichte, Hegel, Marx, mais aussi Nietzsche, Husserl, Heidegger. Pourtant, si la philosophie a pour territoire l'universel, pourquoi s'intéresser à la philosophie allemande ? Et d'abord, peut-il y avoir quelque chose de tel ?
C'est à une enquête sur la spécificité de la philosophie d'expression allemande que nous invite ce livre. Enquête qui réfléchit en même temps le parcours de son auteur. Ainsi l'entretien avec Thibaut Gress qui ouvre le livre montre le long commerce passionné entretenu par Jean-François Kervégan avec les penseurs allemands, de Kant et Hegel à Habermas et Honneth ; il éclaire son mode d'approche et la façon dont il comprend aujourd'hui l'activité philosophique. Cet échange dense et précis interroge la conception ambitieuse de la rationalité portée par cette philosophie : le projet d'autodétermination de la raison, son pouvoir normatif. Les chapitres ultérieurs détaillent ces formes et pouvoirs de la rationalité au prisme de l'événement révolutionnaire et scrutent les échos contemporains des thèmes et des problèmes issus de la tradition de l'idéalisme allemand. Ils évoquent enfin la question disputée de l'existence d'une pensée post-métaphysique. Un parcours engagé et érudit.