Nous savons déchiffrer un propos qui représente de la passion mais savons-nous reconnaître un texte qui manifeste l'éprouver de la passion sans le transcrire ? La recherche sémiotique était parvenue à un point où il lui était absolument nécessaire de pouvoir observer cette inscription directe du vécu, du sensible dans la trame d'un discours donné. L'expérience la plus déterminante aura consisté à partir d'un texte, émotionnellement plat dans son écriture, et cependant captateur, pour démontrer ce qui le travaillait en sous-main, une qualité de présence qui modelait le texte et qui le nuançait en profondeur, alors qu'elle était muette et insignifiée dans le mot-à-mot du texte : Le pouvoir comme passion est la première expérience radicale de mise en évidence d'une expression sensible authentique " en-dessous " des mots. Cette expérience nous a conduits dans les premières années du règne personnel de Louis XIII et nous a montré, en pleine action, l'exaltation, les secrets bonheurs, les tacites mouvements d'humeur, de dépit ou de mépris qui chargeaient de sens, en profondeur, un texte émotionnellement neutre en surface, face à l'exercice du pouvoir de ce très jeune roi, dans les dernières années de son style " débonnaire " – juste avant le règne machiavélien de Richelieu. À travers les frustrations du fringant Robert Arnauld d'Andilly se profilent et la future politique de Port-Royal et les motivations de cette même classe d'esprits éclairés à la veille de 1789. Mais notre propos principal n'est pas de rétablir les vérités de l'Histoire. Le pouvoir comme passion s'efforce, avant tout, de procurer à la recherche, des matériaux concrets pour une description démonstrative des rythmes et des modes d'expression de ce " sensible sous les mots " qu'est l'éprouver. Cet ouvrage inclut la transcription du débat public qui s'était tenu le 23 mai 1989 entre A.J.Greimas et Paul Ricœur, sur la sémiotique des passions.