Que se passe-t-il quand nous faisons, dans notre vie, l'expérience d'une parole qui nous touche, nous bouleverse, nous interpelle, et dont nous avons l'intuition, pour un instant, qu'elle nous dit bien plus que ce qu'elle dit et qu'elle fait signe vers quelque chose qui la dépasse, comme " la trace d'un ailleurs ", selon l'expression de Jean Grondin dans sa préface à La parole et l'Infini ? La conviction qui traverse ce livre est celle-ci : il y aurait dans ces événements de parole ce que l'on pourrait appeler à la suite du philosophe Emmanuel Levinas, la " trace de l'Infini ". C'est cette trace que Jean-Yves Rémond s'attache à retrouver tout au long d'un parcours dans les grands textes du judaïsme et du christianisme, dans la philosophie depuis Platon et Descartes jusqu'à la phénoménologie, avec notamment Martin Heidegger, Paul Ricœur et Jean-Luc Marion, et enfin dans la poésie. Cette réfl exion est ancrée dans une lecture dynamique de ces textes, lecture théologique et philosophique, mais aussi poétique et spirituelle, car cette idée d'une parole reflétant l'Infini peut parler à tous ceux qui cherchent, au-delà du seul monde matériel, mais aussi dans le monde, une spiritualité vraie. À l'opposé de la parole totalitaire, qui tue la parole et la vie, la parole en recherche de l'Infini sait qu'elle ne l'atteindra jamais, mais persévérer dans cette recherche de l'Infini, c'est ce qui nous fait humains et vivants, c'est-à-dire toujours en devenir. Ainsi reconnaître dans la parole humaine la signifiance infinie, qui est trace de l'Infini, hors d'atteinte tout en l'espérant, c'est sans doute ce que le poète Hölderlin nous signifie quand il nous invite à " habiter poétiquement le monde ".