Les adages les plus paradoxaux n'ont cessé de hanter les penseurs les plus exigeants. Celui selon lequel la charité bien ordonnée commence par soi-même a déterminé les métamorphoses du sujet et de la conscience en Occident. Un livre éclairant pour ne pas finir désordonné.
Charité bien ordonnée commence par soi-même : le dicton est si commun qu'on a cessé de s'en étonner. Pourtant, il n'a rien d'anodin. Non seulement parce que la charité, selon saint Paul, ne cherche point son intérêt, mais aussi parce que les notions d'ordre et d'amour semblent mal s'accorder. Si l'amour de soi est premier, quels sont les autres amours qui devraient s'y ordonner ? Et surtout, comment définir le bon ordre ?
Répondre à ces questions signifie retracer la fortune d'un thème augustinien, celui de l'ordre de la charité, du Moyen Âge à l'époque moderne. Les six études réunies ici proposent moins une histoire de ce thème qu'une analyse de ses métamorphoses les plus marquantes. Car l'idée d'ordo charitatis s'épanche comme une sève au cours des siècles et sous les plumes d'innombrables auteurs, qui s'en emparent et la refaçonnent.
De saint Augustin à saint Bernard, saint Thomas et Dante ; de Montaigne et Thomas Browne à Descartes, Pascal et Goethe. Mais aussi des juristes médiévaux aux casuistes du xviie siècle et aux théoriciens de la raison d'État : l'ordo charitatis revient sans cesse, en se chargeant d'enjeux multiples et parfois contradictoires. De sorte qu'il faudra désormais y reconnaître une de ces cellules idéelles qui structurent en profondeur l'histoire de la culture européenne.