Rares sont les poètes qui offrent au jazz ou au rock un livre, ou même un poème. Zéno Bianu a déjà consacré trois recueils remarqués dédiés à Chet Baker, Jimi Hendrix et John Coltrane, publiés entre 2008 et 2012 au Castor Astral.
Avec ce nouvel opus, Visions de Bob Dylan, il s'attache à dresser le " portrait poétique " d'un auteur-compositeur majeur du XXe siècle qui a toujours revendiqué la poésie comme la clé même de son ouvre. Héritier direct de la Beat generation (et reconnu comme tel par Allen Ginsberg et Jack Kerouac), lecteur assidu de William Blake, de Walt Whitman et de Dylan Thomas, rimbaldien fervent, Dylan n'a cessé de considérer la poésie comme une pensée qui chante et de composer ses chansons, en Orphée moderne au phrasé inimitable, comme des "poèmes-musiques" inséparables.
Les essais sur Dylan se comptent certes par dizaines, (et non des moindres, de Greil Marcus à Sam Shepard), mais Zéno Bianu est le premier à tenter de faire " ouvre originale de poésie " (pour reprendre Ungaretti) à partir de la trajectoire de Dylan, homme de parole s'il en est.
Habité depuis maintenant un demi-siècle par une urgence créative sidérante, Dylan n'a cessé de se métamorphoser, de se réinventer au cours des albums et des décennies, percevant et vivant la poésie comme une forme ultime d'engagement existentiel, ouvrant, tel un disciple électrique de William Blake, un espace visionnaire où la vie et la langue ne cessent de résonner ensemble.
Zéno Bianu s'attache ici à retracer poétiquement la trajectoire de Dylan, ce " fugueur devant l'éternel ". Par de courts poèmes liés au souffle, à la respiration, à ses cadences et à ses rythmes, il tente de faire écho à cette mince sonorité de mercure sauvage qui caractérise Blonde on blonde, le maître album de Dylan. À la fois célébration, méditation et variation, Visions de Bob Dylan reprend ainsi une certaine tradition de l'éloge chère à la poésie française (du " Tombeau d'Edgar Poe " de Mallarmé à l' " Ode à Charles Fourier " d'André Breton).