Je sais, nous avons deux corps et même cent et même mille. Mais comment en parler, d’autres l’ont si bien fait avant nous ?
Dans Les mille corps, on apprend de la poésie que le corps est plein de possibles, bien au-delà de l’image quotidienne qu’on en a, que ses possibilités sont infinies. Quand l’imaginaire offre au corps de s’identifier à certaines images, à première vue étrangères à sa nature, issues d’un règne différent du sien, il peut arriver qu’il y reconnaisse une possibilité intéressante, qui le réjouit et lui donne de nouvelles facultés. C’est comme un outillage, une augmentation.
Un corps ne s’arrête pas aux frontières de sa peau, ni au sol sur lequel il pose les pieds. Il travaille, avec son frère le cerveau, à nous constituer une panoplie d’avatars plus ou moins larges, fluides ou enracinés. Ces autres corps, on peut les appeler images du corps et il ne tient qu’à nous de les multiplier. Loin d’appartenir au seul domaine de la pensée, ces images prennent leur origine et se développent en sensations bien concrètes.
Le corps peut gagner en épaisseur, longueur, largeur, membres et bifurcations, s’il utilise cette faculté de se réinventer selon sa perception du monde extérieur : celle des objets, des plantes, des animaux, des mains aimées et même celle des pieds qui nous ont heurtés. À chaque perception, un nouveau corps possible à mettre dans notre panoplie. Il trouvera son usage. À l’occasion il nous élargira.
Les textes sont une invitation à se réinventer sous d’autres formes qui, étrangement, nous révèlent à nous-mêmes.