Né après Lamartine, Vigny et Hugo, Musset sera l’éternel cadet du romantisme, et Rolla le dira bientôt : « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux. » Lorsqu’en 1829 — il a dix-neuf ans —, il fait paraître son premier recueil, les Contes d’Espagne et d’Italie, il ne cache rien de son insolence iconoclaste, et cette liberté d’allure, cette impudeur clairement affichée, s’accompagnent d’une grâce juvénile qui fait tout pardonner. Pleine de promptitude et de nonchalance, de désinvolture et pourtant d’efficacité, sa poésie va s’ouvrir au théâtre, accueillir tous les registres — mondain, politique, satirique ou comique — et bien sûr toutes les expériences amoureuses qu’elle évoque du ton le plus badin au plus grave.
Passé l’âge de trente ans, il n’y a plus chez Musset que des surgissements sporadiques, et cependant parfois superbes : cette œuvre est tout entière une œuvre de jeunesse. Poète de la facilité dont le Je n’en finit pas d’envahir l’œuvre ? Peut-être. Mais dans ce Je ouvert et finalement mobile, chacun peut se reconnaître. La poésie de Musset a besoin du lecteur, de sa sensibilité et de sa voix, pour s’accomplir et se réaliser : cette fragilité secrète est ce qui la fait vivre encore pour nous.
Édition de Frank Lestringant.