" Le grand frisson qu'éprouva Bougainville/Ce fut un soir à Nouméa/De voir les feux du Triangle immobile/Ruisseler sur les bougainvillées... " À ceci près que Bougainville ne visita jamais la Nouvelle-Calédonie mais Tahiti, Jean Giraudoux a vu juste sur son destin. Le navigateur n'a-t-il pas lui-même mis " l'espoir de [sa] renommée dans une fleur " ?
Nourri de l'esprit de l'Encyclopédie, il est parti, écrit Diderot, " avec les lumières nécessaires et les qualités propres à ses vues : de la philosophie, du courage, de la véracité ; un coup d'oeil prompt qui saisit les choses et abrège le temps des observations ; de la circonspection, de la patience ; le désir de voir, de s'éclairer et d'instruire ; la science du calcul, des mécaniques, de la géométrie et de l'astronomie, et une teinture suffisante d'histoire naturelle ".
Tel est Bougainville, qui fut le plus puissant propagateur en France du mythe des mers du Sud. En partie malgré lui, car l'homme est d'un naturel réaliste et sceptique. S'il n'a pas l'esprit méthodique et l'efficacité d'un Cook, sa culture et sa curiosité sont celles d'un " honnête homme ", au sens où l'entend son siècle, entouré de compagnons aussi attentifs que lui. Leurs observations et leurs réflexions contribuent à fonder une vision, une pensée anthropologique dont nous sommes encore tributaires.