Quand nous passions à table elle titubait déjà, toujours une portion pour deux, prends, j'ai pas faim ce soir, mon amour, pas très faim disait-elle, juste soif, c'était tous les jours la même chose, comment faire une histoire avec ça ai-je souvent songé [...], elle s'était mise à boire dès midi, bientôt dès son lever, je la trouvais ivre morte en rentrant, je la portais dans sa chambre, la déshabillais, son beau corps blanc devenu fade et mou, flétri, je la couchais dans son lit, lui parlais, la caressais, l'embrassais, ma petite maman, je laissais ouverte la porte de sa chambre, puis elle est morte, un après-midi en rentrant, morte, à présent livrée aux vers, je ne la reverrai plus, ma mère est morte je suis libre me souviens-je pourtant m'être dit alors, voilà l'histoire,
Mère et fils, le couple se dissout, se reforme sans cesse, mêlant innocence et perversité, désir et mépris. Ici, manipulatrice et séductrice, obscène et dévoreuse, là, pauvre femme vieillie ; c'est une mère mourante et toujours en vie, une mère aux avatars imprévisibles, modelée selon les fantasmes du fils. Elle est aussi le monde singulier de Vlad, avec ses villes, ses rivières, ses vallées, ses cimetières, ses nuits... Mère et monde, elle est son passé et son présent, son lieu et son histoire, ce par quoi il vit et ce dont il doit se défaire.