«Werther. Je me souviens de l’avoir lu et relu dans ma première jeunesse pendant l’hiver, dans les âpres montagnes de mon pays, et les impressions que ces lectures ont faites sur moi ne se sont jamais ni effacées ni refroidies. La mélancolie des grandes passions s’est inoculée en moi par ce livre. J’ai touché avec lui au fond de l’abîme humain… Il faut avoir dix âmes pour s’emparer ainsi de celle de tout un siècle.» À ces lignes de Lamartine pourraient s’ajouter d’autres témoignages : très tôt, le livre entre dans la légende, jusqu’au suicide, dit-on, de certains de ses lecteurs.
Si à sa parution, en 1774, il établit d’un coup la réputation du jeune Goethe encore presque inconnu, s’il est rapidement traduit en français, c’est sans doute parce que, dans ce roman par lettres dont la forme est depuis longtemps familière au lecteur, la voix même du personnage fait retentir l’intransigeance de la passion, mais c’est surtout que Werther, le premier héros romantique, exprime de manière éclatante la sensibilité aussi bien que le malaise de son temps où l’individu se heurte à la société.