Le secret. La mort. Ce sont sans doute les deux clés de toute l’œuvre de Henry James. En ce sens, Les Papiers de Jeffrey Aspern est peut-être le plus exemplaire de ses romans. Dans un palazzo de Venise à moitié en ruine, la vieille miss Bordereau n’en finit pas de mourir. Elle a été, dans sa jeunesse, le grand amour de Jeffrey Aspern, célèbre poète anglais, et la rumeur veut qu’il lui ait légué de nombreux manuscrits inédits. Le narrateur, qui écrit un livre sur Aspern, est prêt à tout pour les acquérir. Prêt à tous les mensonges, toutes les bassesses, toutes les ruses, y compris tenter de séduire la malheureuse nièce de la vieille dame. Mais il n’a pas mesuré la force de celle qui, au fil des pages, devient peu à peu le plus redoutable des adversaires.
On a souvent considéré ce livre envoûtant comme l’un des ancêtres du roman « à suspense », où le secret à préserver est aussi d’ordre mental. Tout l’amour, toute la vie d’un être se jouent en quelques instants dans le silence. Et puis le silence se brise et, avec lui, la vie de celui qui le gardait.