«… [Cinoc] avait fait disparaître des centaines et des milliers d’outils, de techniques, de coutumes, de croyances, de dictons, de plats, de jeux, de sobriquets, de poids et mesures; il avait rayé de la carte des dizaines d’îles, des centaines de villes et de fleuves, des milliers de chefs-lieux de canton; il avait renvoyé à leur anonymat taxinomique des centaines de sortes de vaches, des espèces d’oiseaux, d’insectes, de serpents, des poissons un peu spéciaux, des variétés de coquillages, des plantes pas tout à fait pareilles, des types particuliers de légumes et de fruits; il avait fait s’évanouir dans la nuit des temps des cohortes de géographes, de missionnaires, d’entomologistes, de Pères de l’Eglise, d’hommes de lettres, de généraux, de Dieuxet de Démons.»
Georges Perec, La Vie mode d’emploi, ch. LX, Cinoc 1, © Hachette, 1978.
«Tous les ans, les éditeurs de dictionnaires fournissent aux journalistes une liste de mots nouveaux. Aucun éditeur ne divulgue jamais la liste complète des mots qui ont été évincés, expulsés, tués, comme on dit dans le jargon des lexicographes.
Au fil des ans, des éditions, ces disparus font du nombre.
Ceci n’est pas un dictionnaire mais une collection de plus de 25000 mots disparus. Tous figuraient dans le Littré et ne sont plus dans les dictionnaires usuels.
Les curieux de la langue pourront mesurer ici l’écart linguistique qui s’est creusé entre le Littré et la dernière édition de leur dictionnaire.
Les amoureux des mots, les amateurs de jeux de mots auront plaisir à les lire, à les dire.
Tous seront ravis de constater que la langue est riche, vivante: elle bouge encore, dans tous les sens, dans tous ses sens. Elle n’est pas aussi figée que ce que les censeurs veulent nous faire croire.» Héloïse Neefs
Héloïse Neefs, professeur, lexicographe, traductrice, fait son métier de son intérêt pour la langue et les langues. Elle a conduit des projets de dictionnaires unilingues et bilingues.
Les Disparus du Littré poursuivent la logique de ses explorations linguistiques.