La première vision que nous avons de Lilliput nous parvient à travers le corps de Gulliver, fixé au sol par de nombreuses ligatures, parcouru de drôles de créatures et percé par de bien désagréables fléchettes. Gulliver est ainsi cet être sensible dont parlent les philosophes du xviiie siècle, qui cherche à comprendre le monde à partir des perceptions que lui apportent ses sens. Mais Gulliver ne se contente pas d’observations physiques. Si Swift s’amuse de toutes les cocasseries matérielles que provoque l’arrivée d’un géant, l’analyse se fait aussi plus sérieuse. Gulliver, par le danger initial qu’il crée, l’avantage militaire qu’il représente ensuite et le problème qu’il pose au bout du compte, permet la révélation des pratiques d’une bien petite Cour. Le Voyage à Lilliput permet une observation fort nette de l’homme et de son monde, affinée par l’optique éclairante de l’imaginaire poétique.
Traduction, préface et notes de Frédéric Ogée.