C'est dans les derniers mois de sa vie que le peintre Serge Valène conçut l'idée d'un tableau qui rassemblerait toute son expérience : tout ce que sa mémoire avait enregistré, toutes les sensations qui l'avaient parcouru, toutes ses rêveries, ses passions, ses haines viendraient s'y inscrire, somme d'éléments minuscules dont le total serait sa vie. Il représenterait l'immeuble parisien dans lequel il vivait depuis plus de cinquante-cinq ans. La façade en serait enlevée et l'on verrait en coupe toutes les pièces du devant, la cage de l'ascenseur, les escaliers, les portes palières. Et comme dans ces maisons de poupées dans lesquelles tout est reproduit en miniature, les carpettes, les gravures, les horloges, les bassinoires, il y aurait dans chaque pièce les gens qui y avaient vécu et les gens qui y vivaient encore et tous les détails de leur vie, leurs chats, leurs bouillottes, leur histoire...