" Nous nous sommes sauvés de New York, Yvonne et moi, en 1971, sur les chapeaux de roues. Brusquement la ville nous était devenue insupportable. À courir comme des dératés, nos vies se trouvaient en panne sèche, au point mort. Nous sommes donc partis à pied par le premier chemin de traverse, sans rien attendre, pas même l'inattendu. "
Ainsi commence le récit des trois années que passa Tomi Ungerer en Nouvelle Écosse, à trois kilomètres de Gull Harbor, petit port de pêche du bout du monde. Sous forme d'un journal dans la lignée de Thoreau, et, plus près de nous, de Kerouac, il raconte ce " retour à la nature " avec toute la verve qui le caractérise. " L'Enfer est le paradis du Diable ", écrit-il, et il lui a, en effet, fallu une volonté diabolique pour vivre en quasi-autarcie, apprendre les métiers de fermier, d'éleveur, de boucher, de botaniste, de vétérinaire, dans une région où les effets de l'alcool sur les autochtones sont désastreux, où les armes sont en vente libre, et où même la police ne s'aventure pas. On est bien loin de l'Acadie mythique. Celle de Tomi Ungerer est extrême, dangereuse, sauvage.