Par la grande porte, l'auteur de la Barbarie à visage humain entre en littérature avec un livre polyphonique aussi ambitieux que réussi, et destiné à faire date dans l'histoire des lettres modernes.
En cinq chapitres organisés selon une passionnante et savante architecture, un demi-siècle y défile en effet - depuis la dernière guerre, le conflit algérien, les années 60, l'aventure gauchiste et maoïste, la décennie 70 enflammée par les bombes des terroristes, jusqu'à aujourd'hui où se clôt ce roman itinérant, cosmopolite et tentaculaire qui éclaire une époque haute en couleurs, en horreurs et, malgré tout, en espérances.
Ce roman, cependant, est aussi et surtout une très belle histoire aux épisodes innombrables. Bernard-Henri Lévy s'y montre aussi doué pour le roman d'espionnage que pour la grande histoire d'amour, aussi convaincant dans la peinture, de l'intérieur, des vertiges de la sexualité féminine que dans la description minutieuse d'un assassinat politique sur fond de roman familial, aussi percutant dans les bas-fonds du terrorisme international que dans les coulisses d'une banque suisse...
Oui, tout fascine dans ce livre-fresque : la performance littéraire, la lucidité intellectuelle et politique, la variété des styles et des personnages, la beauté de la prose, et ce n'est pas sans tristesse que l'on quitte le héros principal, Benjamin, dont on a suivi, au fil de pages inoubliables, les aventures et l'étrange duplicité.