Universellement célèbre, Tolstoï reste en même temps assez méconnu, dans la mesure où l’on a réduit son œuvre à quelques personnages « romantiques » : Natacha, le prince André, Anna Karénine, et ses innombrables thèmes à la seule passion amoureuse. Dominique Fernandez a relu ses livres, d’un œil neuf, sans idée préconçue, et découvert un écrivain de combat, un des premiers qui aient dénoncé les horreurs de la guerre (et en particulier de la guerre de Tchétchénie, déjà injuste et cruelle en 1850), critiqué le système judiciaire, carcéral, les scandales de l’injustice sociale, les abus du pouvoir étatique, les impostures de l’Eglise, etc. En face de son contemporain Dostoïevski, porté au paroxysme et à l’outrance, il garde toujours un ton juste et mesuré. Son style porte l’empreinte d’une perfection intemporelle. Avec Dominique Fernandez, on parcourt librement le monde de Tolstoï, on y apprécie cette justesse de ton, ce calme, cette mesure à la fiévreuse frénésie de son rival. Ce livre s’efforce de tracer quelques avenues dans une œuvre immense. A côté des trois chefs-d’œuvre, Guerre et paix, Anna Karénine, Résurrection, des dizaines de nouvelles et d’essais explorent tous les aspects de l’aventure humaine. Tolstoï plaçant cette aventure sous le double signe de la sexualité et de la mort, celui qui est sans doute le plus grand romancier de tous les temps apparaît plus que jamais notre contemporain.