Dans des Cévennes somptueuses, la quête spirituelle d'un rescapé de la Grande Guerre...
Tout a commencé en Champagne, fin mars 1915, lors de l'offensive menée par Joffre. Durant l'attaque, Pierre-Ézéchiel Séguier eut la moitié inférieure de sa jambe fracassée par un éclat d'obus. Il fallut l'amputer au-dessous du genou, à l'intérieur d'une tente pleine de boue, de sang, de membres déchiquetés. Il ne restait plus assez de morphine pour que l'opération s'effectuât sans douleur. "Si l'on attend l'arrivée de l'ambulance, vous risquez d'y laisser votre peau", conclut le chirurgien après un bref examen."Je suis fait au fer et au sang", rétorqua le blessé avec la raideur de ceux qui méprisent les faiblesses du corps et de l'âme. L'opération fut expédiée en une dizaine de minutes, après qu'on eut forcé Pierre-Ézéchiel à avaler un verre d'eau-de-vie. Lorsque le membre fut sectionné d'un coup de scie sec et précis, la moitié du cigarillo qu'il tenait entre ses dents tomba au même instant : il n'avait pas concédé à la douleur le moindre gémissement...Le fermier cévenol, de retour chez lui, s'en remet à l'Éternel et, d'une combe où mourut sacrifiée une centaine de camisards protestants, l'homme de Dieu, dans une folie digne de celle qu'il a vue sur les champs de bataille, construit un jardin d'Éden, un temple naturel. Où il faudra bien qu'il dresse une croix... Inspiré par la nature, hanté par l'Éternel, Jean Carrière est un écrivain dont la parole résonne intimement. Ce récit a la profondeur et la puissance d'évocation de ses meilleurs romans.