"J'ai toujours été fasciné par les soutiens-gorge.
Déjà, en culottes courtes, quand je rentrais de l'école, je ne manquais pas de passer, avec mon gros cartable, devant le magasin Thirion, articles pour dames, dans la vitrine duquel, sur des bustes sans têtes, resplendissaient d'admirables soutifs. Je ralentissais le pas, et la tête retournée vers les bonnets sublimes, je me remplissais les yeux jusqu'à l'évanouissement. Des imbéciles toujours prêts à se dévouer m'allongeaient sur un banc et me tapotaient les joues. Furieux d'être extirpé de mon rêve satiné, je leur balançais mes bottines dans la gueule." Ce n'est que le début... Le gamin, élevé dans une famille très bizarre, développe ce goût immodéré pour le soutien-gorge dans l'âge adulte. Il faut dire que, d'abord représentant en lingerie féminine, il devient directeur des Ressources humaines (!) d'une fabrique de soutiens-gorge. Grand baiseur, oui, mais ses désirs sont essentiellement d'ordre esthétique : c'est le soutien-gorge qui le stimule, ou le sein pris dans le soutien-gorge (et pas de n'importe quelle marque), et non le sein nu. Lorsque l'idiote, pour étaler tous ses charmes, fait sauter son soutien-gorge, c'est fini : il l'étrangle... Il en étranglera un bon tas.À l'heure du "consensus mou" et du "littérairement correct", ce livre est fou et sublime de vraie provocation, d'excès, de délire, de beauté sulfureuse, de franche horreur, d'un humour plus noir que noir. Ceux qui aiment les films de Bertrand Blier ne seront pas tellement surpris, tout en avouant que jamais il n'a été si loin ni si fort - les mots sont beaucoup plus puissants que les images. Et c'est ici qu'il faut dire que toutes ces folies sont racontées d'une plume magnifique, constamment jubilatoire, - telle que le cher Rabelais reconnaîtrait avec bonheur son héritier dans les élucubrations de l'abominable Bertrand Blier.