" Je me promets de foutre en pleine gueule des bourgeois, des romans musclés et pourris dont ils se lècheront les babouines. " Cette promesse, faite en pleine Première Guerre à son ami Léopold Marchand, Francis Carco (1886-1958) l'a tenue au-delà de toute espérance. Annonciateur du style de Louis-Ferdinand Céline, précurseur d'Alphonse Boudard et de Frédéric Dard, " M'sieur Francis ", comme on l'appelait dans le milieu (et ailleurs), devint, dans les années vingt et trente, l'un des écrivains parisiens les plus célèbres. Né à Nouméa, sur l'île du bagne, élevé par un père tyrannique, le jeune Francis rêve d'évasion. Renvoyé de plusieurs lycées, il finit par passer son baccalauréat à Nice, monte à Paris et s'installe à Montmartre, non loin du Lapin Agile dont il devient rapidement l'un des piliers. Fréquentant Apollinaire, Picasso, Max Jacob, André Salmon, Dorgelès, Mac Orlan et bien d'autres artistes qui font la gloire de la Butte dès avant la Grande Guerre, il publie en 1914 Jésus-la-Caille, roman dont le succès ne s'est pas démenti jusqu'à aujourd'hui. Suivront notamment Les Innocents(1916), inspiré par sa liaison tumultueuse avec Katherine Mansfield, et L'Équipe (1919), l'archétype des romans d'apaches.
Partageant son temps entre Montmartre et le Quartier latin, Carco ne cesse d'explorer les bas-fonds de la capitale. Nul ne connaît mieux que lui le milieu de la prostitution, de la drogue, des racketteurs en tout genre. Si ses romans ont une valeur documentaire indéniable, ils transcendent pourtant toujours la description naturaliste pour accéder à cette poésie âcre de la grande ville. " Un romantisme plaintif où l'exotisme se mêle au merveilleux avec une nuance d'humour et de désenchantement " : c'est ainsi que Carco a, lui-même, défini son inspiration.