" Je n'ai jamais le temps de dégorger le vingtième de ce que j'accumule, et plus tard, ce sera trop tard. " C'est pour répondre à cette urgence qu'Alexandre Vialatte (1901-1971) a créé un genre littéraire à lui : la chronique.
De sa vingtième année jusqu'à sa mort, il en a composé par centaines, pour La Revue rhénane, Le Crapouillot, L'Intransigeant, Le Moniteur, L'Époque, La Nouvelle Revue française, Marie-Claire, Le Journal de l'Est, Le Petit Dauphinois et pour La Montagne. Ce quotidien auvergnat lui offre toutes les semaines une colonne et lui laisse une totale liberté pour parler de tout, sauf de politique.
Ainsi, pendant dix-huit ans, tous les dimanches soirs, Vialatte porte sa copie au wagon postal du train de vingt-trois heures quinze. Ce n'est que deux ou trois fois qu'il a manqué à son rendez-vous. De quoi parle-t-il ? De tout, de rien. Tantôt il aborde un roman, tantôt une pièce de théâtre ou un recueil de poèmes, il évoque un film, se gausse d'une vérité première, approfondit un lieu commun, commente un proverbe. La chronique c'est l'œuvre d'un promeneur, d'un flâneur, d'un philosophe. " Une chronique – disait Alexandre Vialatte –, il faudrait la faire pousser comme une herbe dans les fentes d'un mur, dans les pierres de l'emploi du temps. Pierre Vialatte, à sa manière, nous restitue le temps perdu. Il appartient à la famille des Saint-Simon et des Proust.
Robert Kopp.