Par la plongée dans une famille bourgeoise et pleine de charme, mais où la violence n'est pourtant jamais loin ; face au rythme nous poussant sans cesse à engranger des informations nouvelles, Sylvia Tabet a choisi de décélérer.
Anne, la narratrice, Alice et Romain avancent main dans la main dans une vie qu'on pourrait croire douce. Promenades au Champ de Mars, au pied de l'immeuble familial, équitation, prestigieuse école privée... Sœurs et frère, ils reçoivent cette bonne éducation des grandes familles bourgeoises, qui enseigne aux enfants culture, droiture, respect. Mais quand le vernis craque, quand la violence s'insinue, quand la famille se décompose, ce voile de bonnes manières les réduit au silence et les consume à petit feu.
Heureusement, peinture, littérature, musique apportent espoir et réconfort. Et puis il y a June, la jeune fille au pair, Adélaïde et Marianne, les grands-mères attentives, et le cheval, le Pays de Galles et la Normandie – rêves et instants de liberté.
Dans ce roman d'apprentissage, la cadette prend la parole, délie les mots prisonniers d'une lourde chape de silences et de non-dits. Elle raconte, démêle les souvenirs, souffre, grandit. Et le lecteur absorbe l'émotion qu'offre une narration sensible où pas un mot ne manque, pas un mot n'est superflu.
Dans le sillage de François Mauriac et Hervé Bazin, Sylvia Tabet embrasse ici une certaine tradition littéraire française, qui nous convie au plus près de l'intime, du fragile.