Jeanne, dite M’man, a épousé Gervais, garçon réservé, travailleur, peu prodigue de mots et de marques d’amour, qui, par sa carrière rectiligne, garantira à leur couple une sécurité de moins en moins étriquée.
M’man aura élevé trois enfants. Une fois les enfants grandis, Gervais retraité, M’man et lui se retrouvent dans un tête-à-tête qu’ils n’ont jamais connu et qu’ils ne savent trop comment occuper. Heureusement, quelques voyages organisés vont, pendant un temps, distraire une Jeanne ravie et son mari, moins épris de dépaysement.
Bientôt l’âge fait son oeuvre et Gervais va s’épuiser à tenir sa femme à bout de bras dans leur modeste maison de banlieue. Ce récit en accéléré de près d’un siècle se lit comme l’humble épopée d’une de ces vies faites de détresses discrètes, d’envies réfrénées, d’élans contenus, de journées quasi immobiles mais pourtant bien remplies, celles aussi de deux êtres entre lesquels la parole est devenue un bruit de fond.
Composé de cent courts chapitres qui sont autant d’éclats d’un portrait en mosaïque, M’man donne à mesurer ce que furent les conditions de dépendance des femmes au foyer au xxe siècle, à maints égards plus proches de celles de leurs devancières du xixe siècle que du sort actuel de la plupart de leurs descendantes.