À l'automne de la Renaissance, alors que le mythe d'un monde régi par l'harmonie s'effondre, le Tasse essaie avec La Jérusalem délivrée (1581) de recomposer dans un dessein unitaire les forces opposées de l'amour et de la guerre, du plaisir et de l'honneur. De la difficulté de cette entreprise et de son échec surgit une nouvelle image de l'homme, dominé par la force des passions et exposé aux risques de la désillusion, de la faute et de la punition. Les héroïnes et les héros du poème, ainsi que les figures de leurs relations affectives sont vite devenus un répertoire inépuisable de la représentation des passions. Comptant mille sept cent vingt et une éditions (dont trois cent vingt-deux en France), de nombreuses adaptations musicales, théâtrales et des ballets, des traductions dans toutes les langues européennes, accompagnée de centaines de gravures, fresques et tableaux qui l'ont illustrée, La Jérusalem délivrée est rapidement devenue un « objet de civilisation ». Aujourd'hui encore, l'étude de ce long poème chevaleresque nous donne un éclairage précieux sur les sociétés et les cultures qui l'ont adopté.