Un capitaine au visage impassible est tué lors d'une embuscade dans les Ardennes, en 1940, sous les yeux d'un soldat qui va entreprendre la reconstitution de l'enchaînement causal ayant abouti à cette mort. C'est d'une « causalité intérieure » que le récit rend compte. Paru en 1960, La Route des Flandres marque un tournant capital dans l'histoire littéraire française. Le roman, dont la structure rappelle celle d'une fugue, et dont les mots s'aimantent, apparaît en effet comme un vaste poème, faisant ainsi voler en éclats la distinction convenue entre prose et poésie. Claude Simon a voulu donner à la mort, cet évènement à la fois nécessaire et dérisoire, un caractère d'aventure solennelle. D'où une ambiguïté dynamique à plusieurs égards : le roman se métamorphose tour à tour en tragédie et en comédie ; souvent lyrique, parfois trivial, il allie foisonnement et rigueur. Surtout, La Route des Flandres, par sa complexité, son « architecture sensorielle », sa fin ouverte, bouleverse les fausses symétries et dénonce le mensonge romanesque ; mais les vies du capitaine et de son ancêtre révolutionnaire sont délibérément conçues comme du « roman ».