Ses admirateurs et ses amis retrouveront ici François Mauriac. Grâce au succès continu de plusieurs de ses œuvres et à la réédition de son Bloc-notes, il est souvent évoqué et cité. Georges Duhamel, lui, traverse une injuste période de relatif oubli. Si la plupart des actions et des réactions de mon père m'étaient familières, ces lettres m'ont découvert un Georges Duhamel dont j'avais oublié qu'il était à ce point admirable.
Les Salavin avaient été pour moi, au seuil de l'adolescence, une révélation. Cet homme, aux talents et aux dons si multiples, m'impressionnait. Admiration que confirma son approche lorsque la discrète et lumineuse Blanche Albane et lui furent devenus, à la suite d'un coup de foudre mutuel, des amis de mes parents.
Nos deux familles se lièrent alors, et nous vécûmes, rue de Liège et à Valmondois, des heures merveilleuses. Bernard, Jean, Antoine et leurs cousins Gérard et le petit Zino... On imagine mal le rayonnement de cette jeunesse qui nous émerveillait, mes sœurs, mon jeune frère et moi. La musique, qu'ils maîtrisaient, ajoutait à leur mystère et à nos complexes.
Georges Duhamel jouait de la flûte. Il mettait de surcroît sa vie en musique. Officiant avec un mélange de sérieux et d'humour. Découpant le gigot et célébrant les vins qu'il servait lui-même en faisant le tour de la table. Et l'on ne savait qui l'emportait, alors, de l'œnologie ou de la poésie.
Je le connus de plus près sous l'Occupation où il lui arriva de me réconforter aux heures de doute.
Sa générosité, son dévouement, sa délicatesse, cette façon qu'il avait de s'occuper d'autrui éclatent dans ces lettres où se répondent deux grandes voix. Entre Duhamel et Mauriac, quelle qualité d'âme et de coeur ! Hommes de lettres, l'un et l'autre, mais à la surface d'eux-mêmes.
Que le docteur J.-J. Hueber soit remercié de nous avoir offert ce bonheur.
Claude Mauriac